Quels mots utiliser?
Comment parler de la mort, de la guerre, du terrorisme et des attentats de Paris à mon fils?
Ce sont les questions que je me pose depuis vendredi. Submergée par des émotions que je n’ai pas envie de lui transmettre. Me taire et faire comme si rien ne s’était passé, comme s’il était un bébé avec qui je ne peux pas échanger et parler ce n’est pas possible. Le couver comme une mère poule et le surprotéger, je ne peux pas non plus.
1/ Le poids des images
Il a 4 ans et demi, va à l’école, regarde la télévision. Nous évitons qu’il regarde les informations avec nous. Malheureusement il nous est arrivé de regarder des infos diffusées en boucle (conflit-attentat-guerre), oubliant qu’il est là assis, dans le séjour. Il voit alors lui aussi ces images qui véhiculent la peur, l’angoisse, la violence. Images que nous, adultes, avons du mal à supporter. Combien de fois eux, nos petits êtres que nous avons porté dans nos ventres, bercés. Ces petits que nous voyons grandir et dont nous souhaitons le meilleur pour la vie.
Je me souviens du drame de Charlie Hebdo, de la prise d’otage de l’hyper-cacher en début d’année, des images de l’assaut que nous avons reçu en plein visage à la télévision comme si nous y étions. Ces images que mon fils a également vu parce que je n’ai pas rapidement fermé ses yeux avant la diffusion. Ces images qui l’ont fait pleurer et dire « Maman ils sont méchants ».
Je me souviens lui avoir posé cette question « Qui est méchant mon cœur? ». Sa réponse a été : « Les policiers. Ils ont tué le monsieur qui n’avait pas d’arme ».
J’ai dû lui expliquer que les méchants n’étaient pas les policiers . Le rôle des policiers était de sauver des personnes que le monsieur voulaient tuer. Que ce monsieur avait une arme et a tué des personnes dans l’épicerie. Il a eu du mal à comprendre car il avait cette image vue rapidement mais diffusée en boucle : celle d’un homme non armé qui a été tué par des policiers. Alors je lui ai donné des crayons de couleurs et il a dessiné, colorié ce qu’il aime faire.
Une image, une scène, une ou plusieurs perceptions et analyses.
Quel est notre rôle, parents, face à ces informations qui vont vite et que reçoivent nos enfants sans filtre?
Devons-nous laisser à l’école, aux médias, aux réseaux sociaux, à la société le rôle d’informer, de préparer nos enfants à la violence, la haine, la misère, le chômage, la précarité?
Pour Noël, mon fils a établi sa liste et un des cadeaux qu’il souhaite est une tablette. Aucune surprise pour moi.
Le monde a évolué, aujourd’hui même si nous contrôlons les programmes télévisés de nos enfants, ils ont à leur disposition d’autres supports d’information et de communication : portable, smartphone … Nous devons informer nos enfants avant ces moyens de communication et les accompagner au quotidien à la découverte de ce monde.
Certains pensent que le futur ne peut être que sombre, que l’amour, l’altruisme, ce n’est franchement pas gagné mais je veux y croire pour lui, pour l’avenir. Ne pas y croire ce serait pour moi une vie triste et déprimante. Je ne veux pas de cette vie ni pour moi ni pour mon fils. Je veux lui communiquer encore et toujours l’espoir après les pleurs. Est-ce dire qu’il ne peut pas haïr, se mettre en colère? Non je lui apprends non pas à lutter contre ses émotions qui sont humaines mais à ne pas tout casser parce qu’il est en colère, à ne pas jeter un objet parce qu’il est cassé, à ne pas taper l’autre (copain, cousin etc) parce qu’il est en colère ou parce qu’il l’a blessé. A coller, reconstruire, parler, communiquer par des mots.
2/ Faire face à sa sensibilité
Les première années j’ai voulu en faire un petit dur-à-cuir qui ne pleure pas tout le temps quand on le gronde, qui ne pleure pas parce que ses copains le tapent ou l’insultent à l’école parce que c’est l’image que j’ai eu des hommes de ma famille. Des hommes qui vous montrent qu’ être sensible, pleurer c’est féminin et pas masculin.
Mais je dois apprendre à trouver des mots justes, des mots remplis d’émotions mais pas trop. Et ce n’est pas toujours facile de faire le juste milieu.
3/ Aimer, pardonner mais se défendre?
Petite j’ai grandi avec ces mots « si on te gifle tend la joue droite ». Beau discours chrétien. J’ai été la petite fille qui jouait toujours avec sa poupée, qui ne se battait jamais (euh du moins pas à l’école mais avec ma petite sœur si 🙂 ). Je me souviens encore que lorsque j’étais battue par des copines je le disais à mon père (mes parents sont séparés) et jamais à la maîtresse. Je ne me défendais jamais à l’école de peur de ne plus avoir de copines ou par peur des représailles.
Je vois énormément de réactions sur internet. Des phrases telles que :
- « Armons la population comme aux États-Unis. L’Etat français doit permettre le port des armes aux civils, ils pourront aussi se défendre » » Si certaines personnes présentes au Bataclan étaient armées, un tel carnage n’aurait pas eu lieu »
- « Apprenons nos enfants à se défendre au lieu de leur apprendre l’empathie et la compassion »
Même si je comprends la réaction des uns et des autres je ne sais que penser de tout ça et de l’impact que de tels propos d’un parent peuvent avoir sur son enfant.
Je me souviens de la première fois que mon fils m’a dit que certains de ses copains le tapaient à l’école, je lui ai demandé quelle est sa réaction face à ses « coups », comment réagissent les Atsems.
Je me souviens de sa maîtresse me disant en fin de première année qu’il s’est mis très en colère contre un des ses camarades de classe suite à une dispute et qu’elle n’a pas compris sa réaction car elle ne l’avait jamais vu comme cela, qu’il est très doux, gentil et serviable. Après une année silencieuse ou de pleurs, il a réagi mais dans l’excès, j’étais triste d’apprendre cela. C’était à quelques jours de la fin d’année, à la fête de fin d’années. Je me suis alors demandée ce que j’avais loupé durant son année scolaire, ce que je n’avais pas expliqué ou compris.
Là j’ai compris qu’il fallait que je lui apprenne ce que c’est que se défendre sans faire mal, sans blesser, sans tuer. Aimer, rire, comprendre, pardonner mais aussi se défendre. Pour avoir été longtemps sous emprise, je sais aussi qu’aujourd’hui on ne peut pas dire à nos enfants « ne dis rien, supporte, ce n’est pas de sa faute, il est malade, il peut guérir ».
Aujourd’hui mon fils fait du karaté, c’est un de ses choix et j’espère que les arts martiaux lui apporteront beaucoup.
Et je continuerai toujours malgré la folie humaine à lui apprendre des valeurs telles que : l’amour, le pardon, l’espoir, la confiance, l’empathie.
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